Lorsqu’il vous arrive un sale coup dur, que vous sentez le sol se dérober sous vos pieds et que l’avenir semble quasi désespéré, vous n’avez pas beaucoup de choix à votre disposition et certaines idées vous traversent l’esprit :
- tout plaquer pour aller vivre au fin fond de la Patagonie (mais sans jet privé, ni 4x4 de luxe)
- mettre fin à vos jours en vous infligeant l’ultime souffrance qui effacera toutes les autres et vous libérera de ce monde cruel
- rejoindre un cloître, une abbaye, un prieuré ou un monastère quelconque et entrer dans les ordres en poussant la porte d'une congrégation religieuse (les Bénédictines, les Carmélites, les Ursulines, etc.).
Dans le premier cas, n’ayant pas l’âme d’une aventurière et surtout pas un rond devant moi, j’avais laissé tomber.
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Pour le deuxième, j’ai tenté mais là-haut ils n’ont pas voulu de moi et en bas, y’avait une liste d’attente de folie ! Du coup, ils m’ont renvoyé à l’expéditeur. Et puis entre nous, les T.S., c’est très surfait. Se détruire ne résout rien, ce n’est que pure lâcheté finalement.
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Par contre, je suis passée à deux doigts de la troisième catégorie…
Je me disais : « c’est cool, on est nourri, logé, blanchi et quitte à être privée de liberté, ça reste moins violent que la taule. Le déroulement des journées semble un peu monotone, toutefois je serais loin du monde, hors du temps et surtout dispensée d’avoir à gérer les incertitudes du lendemain ».
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Il me fallut approfondir la question.
Ce choix requiert une totale abnégation, un oubli de sa personnalité, de ses goûts, du fait qu’on est unique.
Hum, voilà qui est assez angoissant de se glisser dans un moule si étroit et de renoncer à être soi
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Et sinon pour la bectance ? Ca semble franchement frugal, pas d’option « menu gastronomique » de temps en temps ?
Non ! Je ne dois pas céder au péché de gourmandise ? Arf, va falloir oublier la Guinness, le Nutella, les mets et plats que j’apprécie ? Gloups, voilà qui est un sale coup dur !
Faire vœu de chasteté ? A l’époque, cela m’arrangeait car je naviguais alors entre grosse déception et énorme catastrophe. Les hommes rimaient avec pour moi avec souffrance, et les éloigner était mon vœu le plus cher. Quoi de mieux que le monastère pour cela !
Et sinon, entre deux offices, les prières et les tâches ménagères classiques, y’a moyen d’écouter de la musique qui ne ressemble pas à des cantiques ?
Nan, même pas en rêve ?!? Allez, je mettrais mon casque, vous n’aurez pas à écouter « Hells bells » avec moi. Toujours pas ! C’est votre dernier mot Mère Supérieur ?
Définitivement ! Z’êtes pas très joueuse, je trouve.
Oups, là va y’avoir maldonne parce que je veux bien payer de ma personne, mais y’a des limites à ne pas dépasser. Sans musique, je vais me dessécher comme un pruneau ! C’est inhumain comme traitement. Je ne voudrais pas être désagréable, n’empêche que vos chants, c’est loin d’être super enthousiasmant ! J'ai un joli brin de voix, je peux vous arranger ça vous savez...
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Bon, sinon y’a bien un petit ordi (avec l’ADSL) dans un coin ? Juste histoire de se tenir au courant du monde qui continue de tourner.
Non plus ? Rien en stock, vous n’avez d’ailleurs aucune idée de qui est cet ADSL ? Ah oui, là on est à des années lumières de ce qui se passe à l’extérieur.
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Concernant les bouquins, y’a moyen de lire autre chose que « le boss, sa vie, son œuvre » ?
Niet, nada, que dalle.
Oh la vache ! C’est un truc à devenir fou. Je comprends que vous ayez du mal à recruter dans votre communauté. Sérieux, c’est plus une abbaye ici, c’est Cayenne !
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N’en prenez pas ombrage, mais je crois que je vais réfléchir encore un peu avant de signer votre charte de bonne conduite car je crains d’y laisser mon âme dans votre fourbi.
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Avec le recul, je crois vraiment avoir fait le bon choix et préfère porter ma croix au quotidien en continuant à avancer vers un avenir flou et parfois angoissant, plutôt que de prendre l’habit et d’oublier de vivre.
Depuis, j’ai aussi compris qu’il y avait de bonnes choses à tirer des mâles et ne regrette pas ma volonté de vouloir rester libre pour profiter des petits plaisirs enthousiasmants.
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Sister « au diable vauvert »