Il fait beau. Le fait est indéniable, le ciel est bleu sur Paris (du moins entre deux averses, réminiscence des giboulées de mars). Les terrasses des cafés se remplissent comme un Polonais un jour de paye, le printemps est là.
Ainsi, par l’odeur alléchée, je m’en vais voir du côté de l’extérieur pour profiter des rayons peu ardents sur ma peau laiteuse et de la douce chaleur qui me chauffe la couenne. J’aime profondément cette saison de petites fleurs, de pousses tendres et de nature qui revit de partout. Les montées de sève, c’est vraiment mon truc.
Ce midi, je choisis donc de fausser compagnie aux collègues pour aller battre le trottoir, armée d’un sandwich « camembert / jambon de Bayonne »*, histoire de faire classieux à souhait.
Puisque les cieux sont cléments, je m’en vais me faire un shoot de pierres ultra précieuses, me mettre des étoiles plein les yeux et des rêves plein la tête : direction la Place Vendôme** et la Rue de La Paix (dont la contrepèterie est savoureuse).
Cartier vient de mettre en vitrine une nouvelle collection inspirée par les Indes.
Les parures ne me séduisent pas plus que cela, mais les quelques objets bien choisis permettent une mise en scène intéressante. Pour faire plus pittoresque, ils ont disposé dans le décor des coupelles contenant des currys, des curcumas, des paprikas et autres épices si typiques de l’orient. En s’approchant un peu, on remarque que ce sont en fait des sortes de petits tas de sables colorés et solidifiés. Bizarre.
Pourquoi donc s’être donné tant de mal à confectionner ces ersatz de poudre alors qu’il aurait été si simple d’en mettre directement des vraies ?
Un instant, je me dis qu’ils ont vu l’aspect pratique, le risque d’en mettre partout en bougeant les éléments ou par la faute d’un coup de plumeau malencontreux. Pourtant, je ne suis pas convaincue de ma théorie. Si un tel joaillier s’est risqué à faire du faux - ne fut-ce que pour l’aspect visuel - il doit y avoir une bonne raison.
D’un coup, comme un rayon de lumière traversant les nuages, tel un flash venant illuminer mon esprit embrumé, j’eus un genre d’éclair de génie (hum, oui, ma grande modestie me perdra). « Bon sang, mais c’est bien sûr ! C’est pour l’odeur ! ». Évidemment une boutique qui se targue d’être le comble du luxe, le haut du panier et accueille le top du gratin des huiles de la mondanité et des portefeuilles débordant de cash, se doit de ne pas sentir l’épicerie de quartier.
Vous ne pouvez pas vous permettre de recevoir des têtes couronnées et des grands capitaines d’industrie avec des relents de curry de derrière les fagots. C’est juste pas possible, inenvisageable, aberrant, so shocking!
Voilà donc l’explication des pseudo épices, ils sont totalement factices, donc inodores, pour la plus grande satisfaction et le total confort olfactif des becs fins pour qui les problèmes de pouvoir d’achat n’existe que dans le journal.
Voyez jusqu’où va se nicher la maîtrise du marketing, car comme le dit un proverbe Suisse :
« Le Diable se cache dans les détails ».
Sister « pas de quartier chez Cartier »
* Ca c’est aussi pour énerver Mortecouille, lui mettre l’eau à la bouche, le pauvre qui souffre en silence avec juste du Stilton, du Cheddar et des crackers à se mettre sous la dent. Comme quoi la barbarie est encore bien de ce monde.
** J’en profite pour rappeler que je n’ai toujours pas reçu mon invitation à venir tester (en forfait illimité) la sublimissime piscine du Ritz, La Poste a dû égarer mon courrier. Comment pourrait-il en être autrement ?
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