Claude Chabrol vient de nous quitter et dans les hommages qui lui ont été rendus, il a été presque autant question de ses films que de son amour de « la bonne bouffe ». Oui, c’était un bon vivant qui savait que le plaisir de la table est partie intégrante de notre culture et influe beaucoup aussi sur notre moral. Ce n’est pas moi qui le démentirai, bien au contraire, j’en suis convaincue depuis toujours, la santé est dans l’assiette.
Pourtant, j’ai beau m’appliquer autant que possible, cuisiner avec passion et chercher à mettre en valeur chaque aliment pour en tirer le meilleur, je suis face à un problème de taille : on nous vend de la merde ! Oui, ni plus, ni moins. Les produits et matières premières que l’on trouve dans le circuit classique sont pourris, insipides, dégueulasses.
Vous allez me dire que ce n’est pas nouveau, que Jean-Pierre COFFE, Vincent FERNIOT et les autres en font le constat depuis longtemps, c’est vrai, mais là je trouve que ça a pris une ampleur sans précédent.
Même sur les marchés, il ne faut pas se leurrer, dans la région parisienne tout vient de Rungis, il n’y a quasiment plus de petits producteurs locaux et donc les maraîchers vendent tous la même camelote, les poissonniers et autres commerçants alimentaires, c’est idem.
Personnellement, je ne mange que des fruits des jardins d’amis ou de cultivateurs que je connais pour profiter du vrai goût à maturité. Sur les étals, ils ne sont jamais mûrs et si on les garde trois jours, ils pourrissent illico. Des abricots qui croquent, c’est inadmissible. Des cerises à 27 € le kilo en pleine saison, j’ai des envies de meurtre. Des mirabelles si vertes qu’elles vous filent la chiasse en moins de deux, je fuis.
Depuis un bail, j’avais arrêté de manger du concombre, je ne les digérais plus. Sauf qu’en en gouttant un « normal » l’autre jour, d’un petit cultivateur de mon quartier (un retraité qui entretien son carré de verdure), j’ai redécouvert le vrai goût de ce légume et mon estomac aussi l’a apprécié.
Constatant que mon boucher « traditionnel » me vendait depuis des années des œufs de batterie sans jamais en faire mention, j’ai décidé de le boycotter et de me fournir dans le circuit bio. Sanction immédiate, car il a botté en touche quand je lui ai demandé si c’était des œufs de ferme.
Encore une preuve : ce soir, j’ai tenté de faire une crème anglaise. J’utilise mes œufs bio et un litre de lait entier Lactel UHT (je précise la marque pour pas qu’on pense que j’ai pris le premier prix ultra low cost en limite de péremption). Je connais la recette depuis des lustres, mais là, impossible de réussir à ce que la préparation nappe ma cuillère en bois, ça restait de la flotte ! Oui, ce n’est pas du lait qu’on nous vend, c’est un produit vaguement lacté et dont la composition me laisse perplexe et l’origine totalement inconnue d’ailleurs ! Impossible de cuisiner quoi que ce soit comme entremets avec ce truc, à moins d’y mettre du riz ou du tapioca dont l’amidon servira de liant pour « tenir » le tout.
Moi qui ne suis pas franchement carnivore, j’ai testé l’autre soir un jambon sec, (type Bayonne) affiné 9 mois, certifié Label Rouge (marque Saint-Azay) et franchement, il avait un goût de médicament ou de javel, bref, je ne sais pas trop, mais trop chimique et bizarroïde. Sans parler de la texture molle et d’un total manque de tenue, je n’arrivais même pas à séparer les tranches sans qu’elles se disloquent dans mes doigts. Lamentable, imbouffable, juste bon pour la poubelle. Sauf qu’à ce prix là, ça me reste en travers de la gorge.
Terrible constat de ce qui finit dans nos assiettes. Et encore, je ne parle pas des OGM, des acides gras trans, des matières premières venues du bout du monde, des composants louches, des additifs et autres agents qui n’ont rien à foutre là.
A l’occasion, regardez tous les ingrédients sur votre paquet de pain de mie. Il ne devrait y avoir que de la farine, de l’eau, du sel et de la levure, pourtant…
Il y a de quoi en faire des livres entiers, tellement on nous assaille de malbouffe à tous les niveaux, même quand on essaye de consommer du frais. D’ailleurs, on nous rebat les oreilles avec notre conscience d’écocitoyen, mais si l’Europe commençait déjà à interdire les importations de pommes du Chili quand on a tous les moyens de les produire en Normandie. Idem pour l’agneau de Nouvelle-Zélande, les sauces tomates venues de Chine ou les haricots verts d’Afrique. Qu’on sanctionne les distributeurs qui s’en foutent plein les poches et qu’on redonne à nos paysans leurs lettres de noblesse en évitant d’en faire des chasseurs de primes et subventions. Le bœuf est acheté moins cher aujourd’hui au producteur qu’il y a 30 ans alors qu’en magasin son prix à augmenté de 40 %. Cherchez l’erreur.
Voilà pourquoi j’en ai marre, on marche sur la tête, on a dévalorisé le travail de la terre, de la pêche et de l’élevage pour chercher le moindre coût et surtout le plus gros profit immédiat, mais ce qui nous nourrit aujourd’hui, c’est peut-être ce qui causera notre perte demain, car l’organisme réagit à tout cela et il ne faut pas s’étonner de la recrudescence des cancers à force d’ingurgiter des pesticides, des métaux lourds, des antibiotiques, des conservateurs, des OGM, etc.
Tout cela me fait peur, car on ne contrôle rien et à moins de devenir un végétarien en autarcie au fin fond d’une vallée préservée des pollutions du sol et de l’air, je ne vois pas comment nous passerons entre les mailles du filet. Sauf à avoir les moyens de faire produire des aliments ultra contrôlés, version palace et grands de ce monde. Tant pis, le petit peuple peut bien périr par sa gamelle, qui s’en soucie ?
Au fait, on produit assez de nourriture pour tous les estomacs de la planète, mais il y a un tel gâchis et une si mauvaise répartition des denrées que plus de 25% des produits finis vont directement à la poubelle, sans parler de ceux qui ne seront pas consommés par les acheteurs finaux (votre frigo ou les restaurants). Ça fait réfléchir…
Sister « c’est à vous couper l’appétit ».