Maintenant j’ai la preuve formelle que des millions de greffiers sont retenus prisonniers « à l’insu de leur plein gré* ». Ils sont un peu partout, on ne sait pas vraiment où, cachés derrière de lourdes portes closes, au détour de cours mal famées et obscures ou dans de sombres appartements glauques.
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Alors comme moi, montez au créneau et lançons ensemble une vaste opération de « lâcher de matous ». Vous verrez, c’est presque aussi joli qu’un feu d’artifice sur Moussu-le-Glouvieu, un soir d’automne.
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Tout d’abord, la préparation du plan, très important ça, d’être parfaitement au point sur les détails qui pourraient s’avérer capitaux.
Pensez en premier lieu à vous munir d’un sachet de croquettes sonnantes et trébuchantes, c’est l’arme absolue, le piège ultime, l’appel des sirènes à l’usage des félins domestiques.
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Ensuite, allez rôder du côté de chez la mère Michu. Attention, pas Michèle (ma belle) car elle a perdu le sien il y a longtemps, l'histoire avait d'ailleurs été mise en chanson, comme celle de Michèle. Voyez les points communs troublants entre les deux histoires ? Non ? Tant pis, on s'en fout, c'est pas le propos ici.
Dès que vous repérez un individu suspect muni de l’équipement complet du minet de base, agitez (ou secouer, ou remuer en tous sens, faites comme bon vous semble) le paquet d’aliment lyophilisé, divine promesse gastronomique pour les bestioles convoitées.
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Vous ne tarderez pas à voir débouler vers vous les tigres de salon et autres squatteurs de gouttières des quatre coins du bled, les yeux pleins d’espoir d’un festin de minis bouchées croustillantes. Là, il faudra faire preuve de la plus grande méfiance, car si vous avez opté pour la variété « saveur saumon » alors qu’arrive le gros persan d’Anne-Charlotte de Lahbytenboua, il y a fort à parier que vous vous prendrez un coup de griffe dans les mollets. Rappelez-vous qu’il ne déguste que des bouchées gourmandes vendues dans de minuscules boîtes bling-bling dont le prix au kilo est le double de celui de votre bœuf bourguignon du dimanche chez belle-maman.
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Une fois les bestiaux regroupés en troupeau multicolore, profitez du spectacle. Admirez le joyeux mélange de races et de milieux sociaux professionnels et assistez tranquillement aux retrouvailles. Dans quelques instants, ça va chicorer, feuler, cracher, castagner, courir en tous sens, s’égratigner le nez, se faire des oreilles en dentelle, se mordre les flancs et se rouler par terre dans un enchevêtrement canaille de coups de patte vengeurs. Quelle jolie mise en scène ! Que de joie et de bonne humeur retrouvée dans ces activités de plein air qui font le plaisir de nos amis mistigris.
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Tout cela dans quel but, me demanderez-vous ? Mais tout simplement pour créer un métier d’avenir, le speed dating pour chat ! Si certains n’hésiteront pas à se battre pour s’accorder les faveurs d’une belle, d’autres seront déjà planqués dans les coins à s’adonner au furtif de porte cochère ou autres activités reproductrices. Bon, ne nous leurrons pas, l’immense majorité des participants sera contrainte de « tirer à blanc » puisque leurs maîtres auront jugés utile de les priver de leurs attributs virils ou de leurs organes génitaux des années auparavant. Pas grave, c'est l'intention qui compte !
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Quel bonheur pour ces charmants animaux d’intérieur que de retrouver leurs instincts de chasseur et la chance de pouvoir de nouveau gambader dans les grands espaces !
Mais ce que vous ne soupçonnez pas, c’est l’incroyable popularité que vous allez recueillir auprès des maîtres des matous en question. D'ailleurs, voici quelques témoignages de la patrie reconnaissante :
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M. et Mme S.T. : « oui, c’est terrible, on en pouvait plus, notre Filou nous a bouffé tout notre P.E.L. en soins divers (rat vs chat : 200 € de véto, traitement insulino-dépendant : 70 € par mois, opération pour réparer une patte cassée dans un piège à loup : 150 €, etc.). En plus, il nous ramenait des souris vivantes en pleine nuit, des oiseaux à moitié déplumés au petit matin et même une fois un poisson du bassin d’à côté ! Merci de lui avoir rendu sa liberté, nous n’osions pas le faire ».
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Mlle S.O.N. : « Quel soulagement depuis que Fauve a rejoint les siens, je n’ai plus besoin de me lever en pleine nuit parce qu’elle grimpe aux rideaux ou bouffe les fils du téléphone et du PC. Je peux même ouvrir la fenêtre sans craindre qu’elle ne saute du 1er dans les buissons du rez-de-chaussée pour choper un piaf. Elle me coûtait un max en croquettes de luxe pour lutter contre son anorexie ».
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M. P.M. : « Depuis que mes deux chattes ont quitté les lieux, je me réveille serein. Avant elles venaient me lécher la pomme à 5h du mat’ ou me coller leur arrière train dans le nez pendant que je prenais mon café. Je n’ai plus peur de laisser mon flacon de parfum sur l’étagère, pourtant avant elles l'auraient satellisé d’un coup de queue malencontreux. Je peux même partir en week-end sans m’inquiéter de trouver une âme charitable pour les nourrir. C’est la liberté retrouvée ».
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Oui, vous pouvez aider ces gens à ne plus souffrir en les libérant de leurs matous envahissants et par ailleurs recréer les conditions de vie sauvage pour les minets trop souvent conditionnés à nos univers cloisonnés. Sans parler des minous qui seront ravis que vous les extrayiez de leurs conditions de vie misérables.
Encore une petite interview (et après je filoche) :
Choupinet (le nom a été changé car l’ex chaton tenait à garder l’anonymat) : « Ma vie est un enfer, je ne rêve que de m’évader de cette prison où ils me retiennent. Mes maîtres m’abandonnent toute la journée et quand ils sont là ils s’engueulent non-stop. Lui picole, elle perd la boule, du coup ils m’ignorent totalement, c’est pathétique. Vous pouvez voir toute la détresse dans mon regard, je souffre ».
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Vous voyez que je ne bluffe pas, un matou libre est un matou heureux. D'ailleurs, c’est facile à vérifier, il a le poil humide et la truffe brillante (ou l’inverse et réciproquement).
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Ca y est, vous êtes convaincus ? Rejoignez le mouvement de libération des chats prisonniers. À vos croquettes camarades !
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Sister « ouvrez, ouvrez la cage aux greffiers… »
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* oui je cite du Virenque parfois, le soir au fond des bois.
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