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L’autre soir, dans mon métro habituel, il m’est arrivé une expérience peu banale, quasiment inavouable.
Alors que je me laissais porter par la musique vissée sur mes oreilles, le nez dans le 20’ du jour à décortiquer les news en balançant doucement sur les rythmes Depeche Modiens, quelques personnes montent dans la rame.
Un type s’assied sur un strapontin, dans ma diagonale, je lui jette un coup d’œil machinal, et replonge dans ma lecture, mais soudain je relève brusquement la tête comme on le fait lorsqu’on s’aperçoit qu’il s’agit d’un visage connu ou d’une célébrité.
Or là, je ne le connais ni d’Eve, ni d’Adam, c’est un parfait inconnu. Pourtant, je suis totalement bouleversée et déboussolée par sa présence, la sensation est vraiment bizarre. Ce n’est pas « The beau gosse of the year », mais je suis scotchée, pétrifiée sur mon siège en skaï. Je rebaisse un peu le regard pour ne pas le mettre mal à l’aise et me rends compte que j’ai incroyablement chaud, mes joues doivent être écarlates ! Je constate qu’il semble être dans le même état.
Non ce n’est pas un coup de foudre, il s’agit d’autre chose, plus troublant… On se balance d’imperceptibles œillades et je tente d’analyser ce qui nous arrive.
Cela pourrait ressembler à une forme de complicité, or c’est bien plus fort que ça, plus rare, carrément inouï en fait ! Inutile de se voiler la face, j’ai tout simplement envie de lui, je suis face à une pulsion terrible et cela est tout aussi tentant qu’effrayant.
Comme moi, il est chamboulé et un peu perdu, il esquisse un sourire étonné et je pince mes lèvres pour exprimer la dualité des sentiments qui m’envahissent. Incroyable, mon système limbique est sans dessus dessous, le cerveau reptilien a pris le contrôle et je ne maîtrise plus rien. Il semblerait que le démon du 5 à 7 (petit frère de celui de midi) ait pris le pouvoir. J’ai l’impression qu’il n’y a plus que nous ici et maintenant, le monde autour a disparu, j’ai comme une sensation de flottement, mon corps est devenu bouillant et mes pensées sont confuses. Que faire ? S’il se levait maintenant et me tendait juste la main en signe d’invitation, je le suivrais, sans un mot, docile et volontaire, prête à sombrer vers l’appel de la chair.
Mais il reste là, en proie à ses envies similaires aux miennes, muselé par sa morale, emmuré dans ses principes.
Je lève un sourcil interrogateur, il me lance un regard gêné et empreint de doute.
Nous savons tous deux que cela est absolument hors norme et n’avons donc aucune idée de l’attitude à adopter. Comment réagir face à cette situation inédite ? Devrions-nous nous jeter l’un sur l’autre et profiter de l’instant présent ? Au risque de mettre en péril le fragile équilibre de nos vies respectives…
Nous avons été pris au dépourvu et n’étions pas préparés à vivre un tel événement dans ce lieu impersonnel et fonctionnel.
Non, nous n’avons pas osé céder à nos pulsions et ce sont les bonnes mœurs qui ont repris l’avantage. Je l’ai laissé s’éloigner en baissant les yeux, signe de l'acceptation implicite d'une impuissance face à un adversaire plus fort que soi. Sans heurt, nous avons repris le cours de nos existences ordinaires.
A ce jour, je ne sais toujours pas si cette décision était la bonne, mais je suis sûre d’une chose, c’est à quel point il est intrigant et puissant de ressentir que le cœur a ses raisons que la raison ignore.
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Sister « crumble to dust »
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