Ce matin, je me promenais négligemment dans ma cave à vin, lieu prestigieux s’il en est ! Vous connaissez le prix de l’immobilier dans la région parisienne et son inflation galopante, ce genre de stock est donc pas loin du luxe ostentatoire. Du coup, cet endroit stratégique est ingénieusement conçu pour être à double usage. Il se trouve logiquement partagé en deux zones : les boutanches (tranquilles dans leurs casiers horizontaux) et… les toilettes ! Bah oui, faut bien rentabiliser l’espace, z’êtes marrants vous ! Non, contrairement au commun des mortels, je n’ai pas de radiateur dans cette pièce minuscule, donc pas de risque d’avarie majeure.
Rassurez-vous, il ne m’est jamais arrivé de confondre mon Pouilly-Fuissé avec le papier toilette, même après un usage excessif desdites boissons. D’ailleurs, le contact froid du verre m’indiquerait rapidement qu’il y a maldonne. Revenons à nos moutons.
Ce matin, je remarque que quelques gouttes de précieux nectar gisent lamentablement au sol. Mais que ce passe-t-il ? Fauve aurait-elle picolé en douce ? Impossible, ce n’est qu’une chatte, elle ne connaît donc rien à l’art de la manipulation du tire-bouchon.
Aurais-je remis en place une bouteille entamée ? Pas mon genre ! Si je l’ouvre, elle est condamnée à court terme, car la conservation post-ouverture est nulle, tout consommateur sait cela.
Sans même enfiler ma tenue de Sherlock Holmes, je partais à la recherche d’indices dans cet endroit exigu. Je ne tardais pas à en trouver. Remontant la piste de la goutte suspecte et appliquant les lois bien connues de la gravité, je trouvai rapidement la coupable. Le liquide avait fait une halte sur tous les flacons placés sous sa verticale, il n’était pas compliqué de retrouver l’origine du mal. Elle était là, l’air de ne pas vouloir y toucher, mais je n’étais pas dupe !
Devant mes yeux ébahis, une bouteille de chouchen présentait un aspect peu ordinaire, l’air louche... Pff, elle pouvait bien feindre l’innocence, je l’avais repéré, l’affaire était dans le sac. « Coupable ! » Lançais-je dans un élan accusateur.
J’attrape d’un geste assuré le maudit contenant suintant et constate un truc dingue !
Y a-t-il un scientifique dans la salle ? Un œnologue peut être ? Un ingénieur en mécanique des fluides ? Nan ?!?! Personne pour m’aider ? Ah bah, me v’là bien avancée. Pourriez faire un effort quand même, j’vous demande pas grand-chose.
Voici mon étrange découverte : par un processus encore inconnu, le bouchon s’est largement extrait du col de la bouteille, a décapité la protection de cire et cherchait visiblement à se faire la malle ! Encore un peu et je finissais morte dans mes chiottes, tuée sur le coup par un bouchon sous pression qui m’aurait projeté sur la porte avec une violence inouïe ! Imaginez la tête de mes parents, amis et secours divers, constatant mon décès accidentel dans une posture aussi ridicule ! Ouf, j’ai échappé à la mort, mais aussi à une honte certaine. J’imagine mal la police scientifique se pencher sur mon cas pour déterminer l’origine du coup fatal. Convoquer les Experts, le NCIS et le FBI pour une sombre affaire d’homicide aux circonstances étranges, pas sûr que ça les intéresse. Dommage.
Mes conclusions, en l’état actuel de l’avancement de l’enquête (poil à la q…, nan j’l’ai pas dit !), sont que : le miel fermenté s’est réactivé du fait des fortes chaleurs, provoquant ainsi une pression supplémentaire dans le flacon, tel le processus de champagnisation dont je vous parlerai longuement si vous êtes sages et me le demandez poliment (nan, j’ai pas dit Polident poil aux dents, pas de marques ici, merci).
Un coup bas évité de justesse, le crime était presque parfait… on est peu de chose tout de même.
Sister « survivor »