Êtes-vous prêts à découvrir les chirurgiens du son ?
Serez-vous capables de vous frotter à la découverte d’un univers musical aussi sombre que riche ?
Et si vous poussiez avec moi les portes de leur labo numérique au service de nos oreilles anesthésiées par la FM ?
Suivez donc l’infirmière Sister à travers les méandres d’une production hors du commun (des mortels) pour plonger tout entier dans un monde de musique électronique dont la précision flirt avec celle d’un scalpel des claviers.
Voici mon analyse de simple auditrice, sans prétention et avec toute l’honnêteté dont j’ai l’habitude. N’étant ni critique musicale, ni jury d’aucun télé-crochet, je n’utiliserai pas de vocabulaire technique, juste du ressenti, des émotions, de la déception aussi parfois (m’enfin si peu). Ensuite, ce sera à vous de vous faire une idée… et j’espère, de vous régaler aussi de la richesse de ces sonorités inédites.
Tranx : Immédiatement, la voix de Ben nous déstabilise, le ton peu être perçu comme étant assez hautain et sa tessiture peu banale donne l’impression étrange d’un lord anglais plutôt énervé en train de vous toiser. Pourtant, on y prend vite goût, un peu comme l’amertume d’une stout dont la saveur vous séduit ensuite. L’expérience est novatrice, donc elle peut surprendre, pourtant, l’incroyable qualité musicale qui l’accompagne est si dense et prenante qu’on se laisse facilement entraîner dans la cohérence de l’ensemble.
Résolument synthés avec une batterie discrète pour ajouter une pointe de relief et quelques accents du désert en plus d’un envol de soupirs féminins pour nous emporter encore plus loin dans cet univers onirique. Dark… but so chic.
Digger : L’influence de Depeche Mode est omniprésente sur ce morceau, mais le résultat est beaucoup plus fouillé et évolue bien loin de la naïveté des débuts de la musique électro. Ici on sent la recherche du détail, la précision et la qualité d’un travail minutieux. Le petit rappel très 80 rend hommage aux ainés du genre sans singer ou ridiculiser les standards.
Maria : Une entrée en matière légère puis très puissante et résolument « métal » suivie un assagissement pour laisser place à la chanson. L’alternance musique et chant se poursuit tout en évoluant vers les notes graves puis aiguës (un peu dissonantes à mon avis) et retour du « gros son ». En fait, une belle homogénéité dans le traitement de l’ensemble, une maîtrise du chaud et du froid, de la puissance et du soft. Un résultat très efficace et prenant. On y retrouve l’influence (entre autres) de Nine Inch Nails. Elle se place en 3e position dans mes choix.
So be it : Globalement, j’y retrouve des accents de Sid Vicious et une guitare inspirée The Cure. La performance vocale pourrait être plus percutante s’il n’y avait pas ces étranges montées dans des tonalités peu appropriées et qui n’apportent rien au morceau. La composition musicale très soignée et évoluant dans un univers radicalement new wave méritait une autre interprétation, le rythme vocal (et surtout certains dérapages récurrents) vient presque totalement briser l’harmonie des sonorités. Dommage. Ce titre garde son potentiel et gagnerait à jouer sur une voix grave et plus homogène.
Sedition Monger : D’emblée le rythme de la gratte qui ouvre le morceau nous rappelle l’incontournable « I feel you » de DM et celui de la batterie est radicalement Depechemodienne aussi. Ce titre nous plonge avec délice dans l’emprise noire et suave du groupe. Nettement plus rock électro que d’autres morceaux de l’album, les moins initiés pourront donc commencer par ce titre plus facile d’accès.
And the wind blows : Le sample qui nous suit tout au long de la chanson nous rappelle immanquablement un petit air de la série K2000, mais cela n’est qu’anecdotique. Au-delà de ce détail, ce morceau est très construit et d’une grande diversité dans le travail de l’accompagnement vocal. Les deux sont en parfaite symbiose et le tout donne un résultat génial qu’on ne se lasse pas de réécouter. J’adore l’idée de la pause quasi silencieuse avant la dernière minute, puis le redémarrage crescendo agrémenté d’un riff de guitare super efficace et qui apporte un rythme intéressant et un réel plus à l’ensemble.
Sans conteste mon titre préféré pour son accessibilité.
This Storm : Une accroche prometteuse, une voix posée et efficace (bien que soient toujours présents quelques énervements étranges). Moins percutantes que d’autres, cette composition n’en est pas moins intéressante.
Busy Body: Le rythme d’élocution et la distorsion de la voix sont déroutants, j’avoue que je n’y adhère pas. Pourtant, quelle bonne surprise que de retrouver un extrait de « Devil Destiny » (les aficionados d’Atta Sexden apprécieront l’exercice) dans une version plus lente. Une ligne de basses qui rappelle celles de Massive Attack (Mezzanine) par sa profondeur et ses vibrations puissantes. Les violons qui font leur apparition sur la fin sont pertinents avec l’ensemble.
Ice Doll : La voix évolue sur deux registres assez différents et cela peut dérouter un peu. La partie parlée n’apporte pas l’effet escompté, mais le reste l’emporte de toutes les façons. D’ailleurs, l’instrumental qui suit est vraiment d’une qualité impressionnante et me transporte très loin. On y sent une touche de techno rythmée version The Prodigy, en moins survolté quand même. Un morceau très abouti et vraiment construit. Sans conteste celui qui représente le mieux l’univers du groupe, son champ des possibles y est parfaitement évoqué, on se laisse porter docilement dans ces eaux troubles et mystérieuses. J’adoooooore !
Bonus Track : Une reprise très intéressante de « Devil Destiny » dans un genre plus planant, l’exercice aurait mérité d’être plus long, car il ouvre encore une nouvelle porte sur l’univers peu banal de Merry Autopsy.
Conclusion, avis et autres considérations personnelles : Les influences électro, new wave et parfois techno sont bien présentes, mais largement revisitées, plus élaborées et finissent par restituer une atmosphère propre à ce groupe hors du commun. Oui on sent du Alan Wilder, du Rammstein, du Depeche Mode (bien sûr !) ou du NIN là-dessous, sans pour autant que l’hommage soit pesant ou ne paraphrase les créations des précurseurs du genre. On est bien loin des rythmes binaires des premiers synthés. Là, chaque son est très travaillé, peaufiné à l’extrême.
Les différentes nappes sonores apportent une densité et une profondeur rarissime et nous transportent dans ce monde étrange et fascinant. La maturité, la maîtrise et l’inspiration dont fait preuve le groupe n’a rien à envier à d’autres plus rôdés dans le circuit des maisons de disques.
Franchement, Merry Autopsy, c’est de l’électro en classe 4 étoiles « gold premium », de la haute gastronomie pour vos oreilles exigeantes.
Il est vrai que les prouesses musicales me bluffent davantage que la performance vocale. Il faut dire que je suis assez difficile en la matière. Les titres auraient sûrement gagné en efficacité avec moins d’effets de voix (qui ne sonnent pas toujours juste). Reste que la tessiture est bien celle qui convient à l’ensemble et restitue l’ambiance particulière souhaitée.
Un album que je n’hésiterai pas à recommander, d’ailleurs mon article est là pour en témoigner et que je vous inciterai à commander en direct puisque ces talents sont autoproduits et leur œuvre hautement qualitative ne sera pas laissée aux mains de ces hérétiques de la Fnac ou d’ailleurs.
Pour finir en beauté, je vous livre le détail qui tue, the ultimate gothic touch… ouvrez donc le livret intérieur pour une plongée au cœur de vous-même, là où l’osmose est totale… Deep inside.
Sister « black is back… and punks are not dead »
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