Voici une petite expérience à laquelle je m’adonne assez souvent. Il n’y a rien d’extraordinaire, le principe est très banal mais l’effet est plutôt saisissant.
Vous marchez, dans la rue ou ailleurs mais attention, pas dans une situation pouvant être dangereuse. Juste simplement marcher quelque part.
Puis vous fermez les yeux et continuez à avancer. Doucement, en prenant votre temps, en comptant vos pas, en sentant votre corps en mouvement.
Bien sûr vous ne pourrez pas tenir plus de quelques mètres à moins d’être dans un environnement très sûr. De plus, l’envie d’ouvrir les yeux est très forte, l’habitude des « eyes wide opened » aussi.
Vous recommencerez, plus souvent, dans d’autres situations, en d’autres lieux.
Cette sensation est étrange, donne une impression de flottement dans l’espace, d’évoluer différemment.
Il n’est pas question de se mettre dans la peau d’un non voyant (quoiqu’un peu quand même), ni de se moquer. Ce handicap est déjà assez lourd comme ça. Mais ces gens développent une sensibilité différente. Quand l’un des 5 sens est touché, souvent l’un des 4 restants va se renforcer. Pas forcément pour combler le manque de la faculté perdue mais juste parce que la nature a horreur du vide.
A chaque fois que je m’accorde ces quelques instants « d’absence », j’ai l’impression d’être un peu hors du monde, loin de tout, juste plongée dans mes pensées, concentrée sur mes pas, sur ma vie qui avance et moi qui tente de la suivre. Elle me dépasse parfois et je la contrains de temps en temps à me talonner. Echange de bons procédés.
Voilà, ce ne sont que quelques instants suspendus à la pénombre de mes yeux mais cela fait du bien de ne plus se poser de question et de se laisser guider, comme ça, doucement, vers un futur sur lequel on a si peu de prise et dans lequel on place pourtant tellement d’espoir.
Sister « en appesanteur »