Voilà un titre bien étrange, je vous le concède (ce mot aussi n’est pas très catholique), il appelle (ohé du bateau !) à quelques explications (vous les avez méritées) pour en savoir plus (oui j’ai eu des promos sur les parenthèses alors il faut que j’amortisse mon investissement) et comprendre le pourquoi du comment de la chose.
Oui, je pourrais vous entretenir longuement de la fameuse cravate de notaire, ses us et coutumes, sa pratique que je ne dédaigne nullement, son intérêt à vertu de se substituer aux somnifères et j’en passe. Toutefois, mon propos du jour sera plutôt à caractère gastronomico vestimentaire. Quel rapport avec la choucroute ? Aucun, elle ne sera pas au menu, ne mélangeons pas les torchons et les serviettes.
Déjeunant l’autre jour face à un pingouin de bureau (vous savez, la version acclimatée sous nos horizons au néon, le veston au garde à vous et le doigt sur la couture du pantalon assorti), je fus surprise de constater à quel point certains mets présentent une propension toute particulière à se jeter frénétiquement sur cet attribut de l’homme souhaitant afficher son statut social à la face du monde.
D’une poignée d’euros à plusieurs centaines, chacun cherche son symbole et pourtant des destins similaires se jouent sur cette surface soumise à toutes les tentations de salissure, sorte de figure de proue du mâle qui a compris que l’habit fait souvent le moine.
Ainsi, l’observation du phénomène permet de constater que l’assaut alimentaire surviendra de préférence juste avant un rendez-vous important, si possible la réunion avec le gros client, l’assemblée d’actionnaires, la négociation d’un emprunt chez le banquier, la convocation chez le chef pour votre évaluation annuelle et j’en passe.
Allez savoir pourquoi, certains plats semblent avoir développé une véritable agilité spontanée, presque une stratégie d’attaque en règle pour agresser le pauvre morceau de tissu (aussi inoffensif qu’inutile).
Il y a fort à parier que la sauce bolognaise de vos spaghettis va se ruer sauvagement sur vous sans vergogne. Tout comme la vinaigrette de votre frisée aux lardons (hum, la salade hein, pas la dame sur le point de « dépoter le gluant ») ou le gaspacho tapi dans l’ombre.
Ne croyez pas que ce sport de haute voltige n’est l’apanage que des plats salés, votre dessert aussi peut vous attendre au tournant et flinguer en un clin d’œil vos efforts de « beau gosse attitude » par l'arrivée inopinée sur votre meilleur profil d'une "virgule" tenace de chocolat liquide nappant votre glace, tout comme le fera sans plus de scrupules le coulis de fruits rouges. Sans parler du nuage collant que peut créer sur votre plastron l’envol impalpable d’un nuage de sucre glace lorsque vous avez le malheur de souffler (à peine pourtant !) sur votre millefeuille.
Si vous ne voulez pas vous contenter vous priver définitivement des plats en sauce pour ne plus manger que des radis beurre, il existe des solutions disponibles :
- oser la serviette dans le col de chemise pour faire barrage absolu (vous serez ridicule, mais c’est efficace)
- oublier la cravate (le risque n’est pas évité, les dégâts seront reportés sur la chemise)
- prétendre que vous êtes en pleine période de jeûne ou suivez un régime macroprobiotique (risqué si votre estomac crie famine et que vous commencez à baver en voyant l’entrecôte dorée à souhait de votre vis-à-vis de table)- poser un lapin à votre hôte et aller courir dans le parc pour trouver un mensonge à raconter et faire 200 pompes pour expier votre péché (cours Forest, cours !)
- proposer un sandwich (sans mayo) au zinc plutôt qu’un bœuf en daube et une île flottante (en plus, c’est 40 minutes de gagnées)
- laisser votre interlocuteur se tâcher en premier pour y aller de bon cœur ensuite vous aussi (tous ensemble, tous ensemble, ouais !)
- tenter la cravate dite « Borloo » donc déjà sale au départ, ainsi elle ne craint plus grand-chose, mais il faudra penser à en changer discrètement dans les toilettes à la fin du repas pour conserver votre crédibilité (prendre une couleur similaire pour ne pas que la manœuvre soit découverte).
Maintenant, vous avez toutes les cartes en main pour faire le bon choix. D’ailleurs, à ce propos, oubliez définitivement les cravates Mickey, vintages, en cuir, ficelles, bariolées, aux formes géométriques bizarres ou tout autre motif douteux et finalement immettable. Soyez sobres, oubliez la cravate autant que possible, c’est mieux, tellement mieux.
Sister « pendue haut et court »