Cet article sera hors normes car il s'adresse à Nath' qui ne m'a jamais lu de son vivant et le fera peut-être maintenant, par d'autres moyens, les pouvoirs de l'esprit étant infiniment plus grands que ceux de nos corps prisonniers de chair, d'os et de sang.
Aujourd'hui, tu aurais dû fêter tes 47 ans. Oui, tu aurais... mais tu as tiré ta révérence juste avant, nous laissant tous hébétés et furieux. Oui, furieux, parce que ce n'est pas juste. Je suis sûre que nous sommes très nombreux à l'avoir pensé, à avoir pesté, à rester coi devant ce message de ta sœur qui nous apprenait la terrible nouvelle. Ah tu t'étais bien gardé de nous dire que cette saloperie de crabe t'avait rongé plus que nous le pensions ! Tu nous a menti et c'est énervant. Un beau mensonge par omission, parce que tu voulais nous préserver, nous épargner, ne pas nous faire porter le poids de ta souffrance. C'est tout toi ça ! Mais c'est dégueulasse quand même ! Parce qu'on est tombé de l'armoire et parce qu'on s'en veut de ne pas t'avoir soutenu. C'est trop vrai le fameux "loin des yeux, loin du cœur".
On n'imaginait pas ça, pas si brutal, pas si rapide, pas du tout en fait. Moi qui croyait que c'était juste une bricole, un truc un peu louche qu'on dégomme une bonne fois pour toute en guettant du coin de l'œil pour qu'il ne revienne pas sournoisement. Cette saloperie est d'une fourberie sans limite et peut s'attaquer à tous, sans distinction d'âge, de milieu social ou d'origine géographique. N'empêche qu'on ne pensait pas qu'il pourrait s'en prendre à toi. On ne peut pas dire que tu offrais un terrain favorable, bien au contraire ! Ni clope, ni alcool (bon, un ti-punch de temps en temps, ça compte pas), ni pratiques à risque, ni adepte de la malbouffe, ni feignasse grassouillette dans un fauteuil (tient, là c'est moi), tu n'entrais pas dans les grilles des "à risque", alors pourquoi ?
Ca aussi on a été plusieurs à se demander : "pourquoi toi ?". C'est n'importe quoi alors ! La Grande Faucheuse fait son marché à l'arrache maintenant ! Sans logique, sans ordre de préséance, sans se donner la peine de prévenir. Elle lâche les chiens (enfin les métastases, c'est plus insidieux) et on n'a plus qu'à se la boucler devant son verdict. Mais c'est n'importe quoi ! Y'en a marre ! En plus on ne peut pas s'empêcher de penser que dans la file d'attente de ceux qui "mériteraient" (genre des tyrans, des dictateurs, des pourris en tous genres), y'en a un paquet que tu as grillé au poteau avec ta tête d'ange. Ah oui, les anges, parlons-en ! Qu'est-ce qui se passe là ? Le tient était en RTT ? Je crois plutôt qu'il a fait un abandon de poste, ce lâche. Quitte à choper un truc, y'avait bien d'autres bidules à l'issue moins fatale. Un cor au pied, un gros rhume, une petite maladie exotique pas trop méchante, mais là, le crabe, ce salaud qui m'a déjà piqué mon oncle il y a quelques mois. D'ailleurs c'était un mec génial au grand cœur, comme toi. Un amoureux des oiseaux, des timbres, de la pêche et des arbres, donc vraiment pas des loisirs de gros cons destructeurs de nature ou broyeur d'hommes. Toi aussi dans le genre pacifiste tu te posais là, jamais vu quelqu'un d'aussi adorable et souriante, tu étais la bonté incarnée. Alors qu'est-ce que tu fous là-haut ? C'est ici qu'on a besoin de toi ! Des âmes de bonne volonté, on en manque, y'a un moment qu'on frôle la rupture de stock et les nouvelles Mères Thérésa peinent à se faire connaître.
Nan et puis j'arrive pas à m'y faire, y'a plein de choses qui viennent croiser mon quotidien depuis les quelques jours de l'annonce de l'ignoble info. Par hasard, j'ai retrouvé hier la carte de visite du boss de la boîte où on s'était connues, là je viens de tomber sur un article évoquant la trichotillomanie, l'autre soir j'ai entendu une contrepèterie que tu aurais adorée, ce matin j'écoutais une émission sur la méditation et le pouvoir de la pleine conscience, ce week-end on m'a demandé les coordonnées de mon ostéo préféré, etc. Tous ces sujets me ramènent à toi et ça remue le couteau dans la plaie à chaque fois. C'est super cruel de perdre quelqu'un qu'on aime. C'est tellement dur. En plus on ne peut pas s'empêcher de repenser aussi à la dernière fois qu'on s'est vues... sauf que ce jour là, on ne savait pas que ce serait la dernière et ça, c'est vachement violent. Moi qui voulait venir te voir le premier week-end d'août, pour te faire une surprise. Tu parles d'une surprise ! Tu m'as ravie la politesse sur ce coup là, prise de vitesse. Jamais je n'aurais pu m'attendre à une issue tragique, surtout pas aussi foudroyante.
Alors voilà, même si tu ne peux pas lire ces lignes, je pense que tu les entendras dans ma tête et mes yeux qui se vident pendant que mes doigts courent sur le clavier en évoquant ton souvenir. Tes souvenirs ! Car si ta place est dans la lumière, tu resteras aussi une petite flamme dans mon cœur, de celles qui nous réchauffent quand on perd pied, quand la confiance fout le camps et qu'on se demande si on sera de taille. Tu ne perdais jamais espoir, c'est pour ça que tu t'es tu, parce que tu ne voulais pas que nos doutes ou nos peurs ne viennent perturber ton combat, que notre peine s'ajoute à ta douleur. C'était pour notre bien, encore une fois, tu as pensé à nous avant de penser à toi. Nous aurions pu t'aider, au moins moralement, te soutenir, t'encourager, enfin j'aime à le croire. C'est si dur de te savoir partie... trop tôt, trop vite.
En ces temps tourmentés, c'est difficile, mais je vais tenter d'appliquer à nouveau tes principes de sagesse : je ne vais plus me plaindre, tenter de ne plus pleurer et ne penser qu'aux bons moments que nous avons vécus avec Stéph', Auré, Nadine et les autres. Essayer de sourire en me disant que j'ai eu de la chance de croiser une âme si brillante que la tienne, c'est un trésor inestimable que ce genre de rencontres incroyables. Un trésor qui n'appartient qu'à nous, pour l'éternité.
Sister "so sad"